L'odeur poussiéreuse de mon fond de teint me piquait le nez, que je fronçais légèrement, serrant mes doigts sur le rebord du lit afin de me retenir de me gratter. Tout devait être parfait.

Il ne fallait pas trop bouger. Il arriva sur un morceau de saxophone que crachaient les enceintes dissimulées en arrière plan, ayant revêtu le peignoir haute qualité qu'il avait volé dans un hôtel, quelques semaines auparavant, quand nous nous étions pour la première fois rencontrés. Les revers de coton peu solidaires laissaient entrevoir un torse légèrement poilu, comme il sied à un homme viril, sans excès.

Il avait mis un peu trop de fard à joues, ce qui lui donnait un air d'homme d'affaires oublié trop longtemps sous une lampe à UV, collant merveilleusement au rôle qui était le sien. Il s'assit au bord du lit, à mon opposée, à distance respectable pour occuper toute la scène, distance absurde pour me parler, détournant la face dont l'expression me rappela follement Robert Hossein jeune. Je ne bougeais, me contentant d'agiter les cils, dans un style presque obsolète qui m'avait toujours fascinée.

• Te rends-tu comptes de la honte que j'ai eue, ce soir, chez les Logan ? Ma propre femme, agir ainsi !

• Mon amour, je te demande pardon !

Je gonflai ma poitrine lors de ma réplique, ma face presque inexpressive, à l'exception de mes cils dont je battis à outrance. Il ne fallait pas que le maquillage se fissure. Mieux valait donner la parole à mes seins. Il réagit avec une seconde de retard, se levant trop vivement pour que ça ait l'air naturel, et tourna un tiers de son corps vers moi, les deux tiers restants s'exposant face à la caméra.

• Je ne puis tolérer cela.
• Mon ange... -SILENCE !

Sa voix provoqua un remarquable écho dans la pièce, et je me demandai si on l'entendrait aussi bien sur l'enregistrement.

• Tu seras punie.

Sa robe de chambre mal fermée laissa alors entrevoir le bout de son sexe en érection, et mes yeux firent un rapide aller-retour entre les sien et l'objet du vice. Je le vis serrer la mâchoire pour réprimer un sourire, la sueur perlant à la racine de ses cheveux, tandis qu'il refermait vivement le vêtement, dans un geste se voulant rageur. J'admirais son professionnalisme. Son regard devenait par trop insistant et je compris que je devais dire ma réplique. Humiliée par ma distraction, je songeai un instant que je méritais bien une punition. Je notai mentalement qu'il nous faudrait couper ce moment d'hésitation au montage.

• Paul, non, je t'en prie ! Criai-je, éperdue.
• Trêve de bavardages, femme. Déshabille-toi.

Je me levai, me cambrant et bombant la poitrine à la fois, sans le quitter des yeux. D'un geste exagéré, je laissai mon déshabillé glisser de mes épaules à mes pieds. Mes longs cheveux blonds au brushing impeccable étaient alors seuls à me revêtir, et je sentis son regard appuyé sur mes attributs féminins.

• Penche-toi au-dessus du lit.

J'obéis avec une moue boudeuse, et présentai mes joues à la caméra, écartant suffisamment les jambes pour que nul ne rate le moindre détail de mon intimité. Tournant alors la tête, je l'observai.

• Pour ton attitude inqualifiable, ce soir, tu recevras la fessée.

Le ton grandiloquent qu'il avait employé renforça l'ambiance surréaliste de la scène, et je me sentis profondément possédée par mon rôle, tandis qu'un long frisson me traversait. Il marcha jusqu'à moi, et laissa sa main glisser sur ma peau dénudée. Dans ma position exhibitionniste, je visualisais à la fois la caméra derrière moi et le gros plan qu'elle prenait sur mes fesses poudrées. Il retroussa ses manches, découvrant de maigres membres à la sombre pilosité. Levant haut son bras, il abattit sa main en une faible claque, presque une caresse.

Je m'e f f o r ç ai de gémir de saisissement, ouvrant grand ma bouche aux pulpeuses lèvres rougies.

• Voilà ce qui arrive lorsque l'on déshonore son mari.

Il enchaîna les claques, rosissant faiblement mon cul qui chauffait pourtant assez. Me cambrant autant que je le pouvais, le suppliant d'une voix désespérée et désespérément artificielle, je sentais malgré moi mon sexe s'humidifier. Nous incarnions nos idoles, ceux par qui notre fantasme était né, que nous regardions avec un soupçon de honte lors des soirées d'hiver solitaires ou des débuts d'après-midi pluvieux, et ceci au grain de beauté près. Je me demandais si cela l'excitait autant que je l'étais. Il arrêta les claques. Un bruit de tissu lourd qui tombe au sol. Tout à coup, je sentis le contact de son membre contre mon sexe, et il me pénétra avec f o r c e, son corps recouvrant le mien. Je gémis de tout mon être, sa peau brûlante faisant un contraste saisissant avec mon corps nu refroidi depuis un certain temps.

Successivement, je fus Angélique, sa marquise au coupable plaisir, je fus Brooke, amante, femme et maîtresse, je fus même Rossinante, que mon Don Quichote chevauchait, ce qui provoqua un rire libérateur qui traça d'innombrables rides de fonds de teint au coin de mes yeux. J'eus une vague pensée pour le maquillage ruiné, alors qu'il grognait comme un animal en rut, et j'arrondis le dos en protestant.

• Cédric, la vidéo !
• J'ai bien peur, grognas-tu dans un va-et-vient féroce, qu'il ne nous faille la recommencer.

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