À genoux, sous leurs yeux
Aux yeux des siens, j’étais même un compagnon idéal : attentif, toujours prêt à rendre service, toujours en retrait mais présent. Ce que nul ne voyait — ou ne voulait voir —, c’était que mon effacement n’était pas de l’indifférence, mais une offrande.
Ma compagne n’était pas une femme comme les autres. Elle était Maîtresse, dans toute l’ampleur du mot. Ma vie tournait autour de son regard, de ses gestes, de ses silences. Être à ses pieds n’était pas une soumission honteuse, mais une évidence, un lieu de paix et de plénitude. C’était là, à genoux, que je respirais le plus librement.
Parmi son entourage, une seule savait. Une amie proche, intime, à qui elle avait tout confié — non par imprudence, mais par choix. Il y avait entre elles cette transparence, cette confiance faite de longues années et d’un lien indéfinissable. Son amie, mariée à un homme aussi banal que leur vie conjugale, trouvait dans notre relation une fascination trouble. Elle observait, elle questionnait, elle s’approchait sans jamais franchir la ligne. Pas Dominatrice, non. Mais curieuse. Et peut-être, au fond, envieuse.
Elle venait régulièrement partager un café. Elles riaient, parlaient, s’évasaient dans leurs souvenirs. Et moi, nu, j’étais là, attentif, silencieux, dans mon rôle. Je servais, je versais, je me tenais prêt. Ma nudité n’était pas une provocation : c’était un uniforme, un rappel constant de mon appartenance.
Ce jour-là, nous étions chez elle. Le mari était absent. Il flottait dans la maison un silence rare, un entre-deux étrange, comme une suspension du réel.
Je servis le café, puis revins instinctivement aux pieds de Maîtresse. Elle caressa mes cheveux comme on caresse un chien fidèle, mécaniquement, mais non sans tendresse. Les voix des deux femmes dansaient au-dessus de moi, douces, fluides. J’étais là où je devais être.
Puis, dans un sourire à peine esquissé, Maîtresse se tourna vers son amie.
— Et si on s’amusait un peu ?
Ces mots, je les connaissais. Ils étaient le prélude aux jeux, aux mises à l’épreuve, aux cérémonies improvisées qui renforçaient son pouvoir sur moi — et mon amour pour elle.
Elle me regarda. Un simple regard suffisait. Je me levai, lentement, et me déshabillai, pièce après pièce, jusqu’à ne garder que mon collier et ma cage. Sa main plongea dans son sac, en sortit la laisse. Le clic du mousqueton sur l’anneau de mon collier résonna comme un verdict.
Puis elle retira la cage. Elle aimait choisir le moment, le lieu, les témoins. Ce geste, en soi, avait quelque chose de cérémonial.
— À quatre pattes, ordonna-t-elle.
Je rampai à ses côtés, sous le regard de son amie. Elle ne disait rien. Mais ses yeux parlaient pour elle. Amusement, oui, mais aussi trouble. Peut-être une jalousie mal formulée.
Nous sortîmes dans la petite cour. L’endroit était clos, à l’abri des regards.
— Là, dit-elle en désignant un arbre. Comme un chien. Lève la patte. Fais pipi.
Je restai figé. L’ordre était clair. Absurde. Humiliant. Et pourtant... j’aurais voulu obéir. Tout en moi le désirait. Mais mon corps, mon esprit, se rétractèrent. Rien. J’étais vide.
Elle attendit. Puis son visage se ferma.
— Tu me fais honte, murmura-t-elle. Tu n’es qu’un bon à rien.
Sa main partit. Une gifle, sèche, immédiate. Je ne pleurai pas. Je ne suppliai pas. J’encaissai. Mais ce fut l’amie, étrangement, qui brisa le silence.
— Il est déjà loin dans l’abandon, tu sais… Tu n’as pas besoin de ça.
Sa voix était douce. Troublée. Et peut-être... protectrice. Pour la première fois, elle s’interposa. Et Maîtresse la laissa faire.
Le chemin du retour se fit dans un silence lourd. Aucun mot. Rien que la tension suspendue. Je savais. Ce n’était pas fini. Et en effet, ce ne fut qu’une parenthèse.
Une fois rentrés, elle prit le temps. Le temps de me parler. De me faire m’expliquer. Puis vint la punition, froide, méthodique, juste. Elle n’était pas cruelle — elle réparait. À sa manière.
Et moi, dans cette douleur, je retrouvai ma place. J’avais failli. Mais elle m’avait corrigé. Et à nouveau, tout était à sa juste mesure.
il y a 2 jours
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