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il y a 2 ans
À table, le jour de Noël, on l’avait placée à côté d’Antoine, le frère de Chloé. Elle le connaissait peu, Antoine. Il boudait en effet généralement les réunions de famille. « C’est un ours, disait-on, on lui arrache pas trois mots. » Ce jour-là pourtant il s’était montré avec elle un voisin de repas fort agréable. D’autant plus agréable qu’ils s’étaient découvert une passion commune pour le cinéma italien des années soixante. Elle n’avait malheureusement pas pu profiter pleinement de sa conversation, obligée qu’elle avait été de garder un œil sur son mari, sur Kevin qui, en compagnie de son frère Benoît, le mari de Chloé, avait entrepris de revisiter leur enfance commune. Ils avaient fini, l’alcool aidant, par se chamailler tous les deux comme les gamins qu’ils avaient été.
- Et qu’ils sont toujours ! avait soufflé Chloé.
Au moment du départ, sur le perron de ses beaux-parents
- Et encore Joyeux Noël, hein !
- Soyez prudents ! Roulez doucement.
Antoine lui avait proposé de lui copier le film de Fellini dont ils avaient parlé.
- Volontiers, oui.
Et elle lui avait tendu la clef USB vierge qu’elle gardait toujours dans son sac. Il l’avait enfouie dans sa poche ;
- Je te ramène ça la semaine prochaine. On se retrouve tous pour le Nouvel An n’importe comment.
Elle avait pris le volant.
-
Tu exagères quand même, Kevin !
-
Quoi ? Qu’est-ce que j’ai encore fait ?
-
Et il demande quoi ! C’est à chaque fois la même chose ! À chaque fois faut que ça dégénère avec ton frère. À chaque fois il faut que vous vous mettiez à régler vos comptes tous les deux. Quand est-ce que tu te mettras enfin dans la tête que ça n’intéresse personne vos sempiternelles prises de tête ? Et que tu nous mets systématiquement en porte-à-faux, Chloé et moi.
-
Oui, oh, elle !
-
Quoi, elle ?
-
Non, rien !
-
Mais si ! Dis !
-
Rien. Mais il te plaît bien, son frère en tout cas, ce qu’il y a de sûr !
-
Mon pauvre Kevin ! N’importe quoi ! Vraiment n’importe quoi. Cuve, va, ça vaudra mieux.
Et ils ne s’étaient plus adressé la parole jusqu’à la maison.
À peine venait-elle de s’endormir que ça l’a réveillée en sursaut. La clef ! L’autre clef USB. Est-ce qu’elle l’avait bien remise dans sa cachette, derrière la poutre au grenier ? Normalement, oui : c’était la première chose qu’elle faisait, systématiquement, quand elle revenait de chez Damien. Après avoir jeté un rapide coup d’œil sur leur dernier ajout. Sauf que là, il y avait eu ce livreur arrivé en même temps qu’elle. Ce colis qu’elle avait aussitôt déballé. Ce nouveau démodulateur qu’elle s’était empressée d’installer. Et après ? Elle était montée la remettre en place au grenier cette clef ou elle avait oublié ? Impossible de se rappeler.
Elle s’est levée d’un bond. En avoir le cœur net. Elle a grimpé l’escalier. À pas de loup. Pour ne pas réveiller Kevin. A glissé la main, le cœur battant, derrière la poutre. Rien. Elle était restée dans son sac. Et il y avait donc une chance sur deux qu’elle l’ait donnée à Antoine. En lieu et place de la clef vierge. Si c’était ça… Alors là, si c’était ça ! La catastrophe. L’horreur absolue. Bon, mais pas de panique, Christina ! Pas de panique ! On respire à fond et on va vérifier. On commence par aller vérifier. Elle est descendue à l’ordi.
- Allez, vite ! Vite ! Qu’est-ce qu’il peut traîner, ce machin !
Elle y a introduit la clef. En tremblant. Elle était vierge. Bon, ben voilà ! T’as gagné le gros lot, ma pauvre Christina ! Et maintenant ? Elle allait faire quoi maintenant ? Le mieux, c’était peut-être encore d’appeler Antoine. Le lendemain. À la première heure. Oui, mais pour lui dire quoi ? Qu’elle s’était trompée, que la clef qu’elle lui avait remise par erreur contenait des vidéos très personnelles qu’elle lui demandait de bien vouloir lui restituer au plus vite ? Ben, voyons ! Et il allait faire quoi, Antoine ? Se dépêcher d’aller voir de quoi il retournait. N’importe quel mâle, dans une situation comme celle-là, il saute sur l’occasion. Et il s’empresse de faire une copie pour pouvoir, par la suite, profiter du spectacle tout à loisir. Non. C’était une très mauvaise idée d’appeler Antoine. C’était lui mettre le nez dessus alors qu’il y avait quand même une chance, fût-elle infime, pour qu’il ne se rende compte de rien. Parce que ces vidéos, elle s’était contentée de les numéroter de 1 à 11. Sans la moindre indication sur leur contenu. Est-ce qu’il aurait la curiosité d’aller voir de quoi il s’agissait ? Pas forcément. Et même, probablement pas. Parce que, pour lui, cette clef, elle la lui avait remise en toute connaissance de cause. En sachant pertinemment qu’il s’y trouvait déjà quelque chose. Il en conclurait donc que ce quelque chose ne présentait guère d’intérêt. Inutile d’aller perdre son temps à regarder un chien courir sur une plage ou Kevin laver la voiture. Oui. Ne pas bouger. Attendre. Faire la morte. Et croiser les doigts…
Elle a passé une semaine épouvantable. Elle se réveillait en nage dix fois par nuit. Elle voguait de cauchemar en cauchemar. Il les avait vues, Antoine. Il les regardait encore et encore. Il s’en délectait. Et il finissait par en parler à sa sœur. À Chloé : « Tu sais quoi ? Christina… À qui on donnerait le Bon Dieu sans confession, eh bien si tu savais ! » Si elle savait quoi ? « Elle a un amant. Un petit jeune. Ils se filment tous les deux. Et ça y va. Je peux te dire que ça y va ! » Il finissait par les lui montrer. Ils en faisaient des gorges chaudes tous les deux. Et Chloé ne résistait pas au plaisir de mettre Benoît, son mari, dans la confidence. Lequel Benoît balançait tout à Kevin au cours de l’une de leurs habituelles prises de tête entre frères. Et alors là ! Là ! Elle ne vivait plus. Elle était constamment sur des charbons ardents.
2-
Le premier janvier, du plus loin qu’il l’a aperçue, Antoine, l’a gratifiée d’un large sourire. Il est venu à sa rencontre, lui a déposé un baiser sur chaque joue.
- Excellente année, Christina ! Je te souhaite le meilleur du meilleur…
- Merci. À toi aussi !
Il a aussitôt enchaîné.
- Je peux te demander un service ? J’ai un monceau de cadeaux dans la voiture. Tu voudrais pas venir m’aider à les décharger ?
Il lui en a entassé trois ou quatre sur les bras, s’est brusquement interrompu.
- Tu dors bien en ce moment ?
- Oui. Non. Pourquoi tu me demandes ça ?
- Parce que t’as une tête à faire peur ! Une vraie mine de déterrée. Va falloir qu’on parle tous les deux du coup. Va falloir. Ça s’impose.
Et il a tourné les talons. Bon, ben voilà. Voilà, ça y était. Il l’avait dit. Ou c’était tout comme. Il avait vu. Il savait. Et, bizarrement, elle a ressenti un immense soulagement. Au moins, maintenant, les choses étaient claires. C’en était fini de ces épuisantes et interminables interrogations qui lui pourrissaient la vie. Il allait falloir faire face, oui, mais en toute connaissance de cause.
À table, ils n’étaient pas, à son grand soulagement, l’un à côté de l’autre. Mais, en fin d’après-midi, quand ça s’est mis à danser, il est venu l’inviter.
- Bon, on joue franc jeu ?
Il n’a pas attendu la réponse.
- Tu t’es un peu mélangé les pinceaux, hein ?
Elle n’a pas répondu. Mais son silence valait confirmation.
- Une véritable bénédiction pour moi. Parce que tu es une très belle femme, Christina. Et la perspective de pouvoir profiter de tes charmes tout à loisir…
Il a fait claquer sa langue contre son palais.
- Quels merveilleux moments m’attendent. Je vais savourer. Longuement. En prenant tout mon temps. Et tiens, tu sais quoi ? Je vais te confier un secret. Je n’en ai encore vu qu’une de ces vidéos. Une seule. Une vingtaine de fois au moins je me la suis passée et repassée. Avec toujours autant de bonheur.
Il attendait manifestement qu’elle lui demande laquelle. Ce qu’elle a évidemment été tentée de faire, mais elle s’est bien sagement gardée de s’aventurer sur ce terrain-là. Ç’aurait été s’enfoncer dans des sables mouvants. Il a souri. Laissé passer une bonne trentaine de secondes.
- Les autres, je vais les explorer une à une. Les découvrir pas à pas. Il doit y avoir de véritables petits joyaux là-dedans. Un enchantement !
Elle a tenté le tout pour le tout.
- Je suppose qu’il est inutile que je te demande de me rendre cette clef…
- Bien sûr que si que je vais te la rendre. Et pas plus tard que tout à l’heure.
Elle n’était pas dupe.
- La copie que tu en as faite aussi ?
- Tu peux pas me demander ça, Christina, enfin, voyons ! Des vidéos qui vont ensoleiller ma vie pendant des mois et des mois. Non. Ce serait au-dessus de mes forces.
- Est-ce que je peux au moins compter sur ta discrétion ?
- Et moi sur ta compréhension ?
- C’est-à-dire ?
- On a bien conscience, l’un comme l’autre, que, si ces vidéos tombaient entre de mauvaises mains, tu serais dans une position très délicate. Alors mon silence vaut bien quelques compensations, non ?
- Si t’as l’intention de coucher avec moi…
- Tout de suite les grands mots. Il y a d’autres solutions. Beaucoup plus subtiles. Et tout aussi agréables.
- Lesquelles ?
- Ce n’est ni le lieu ni le moment de s’étendre là-dessus. Sans compter qu’on risquerait d’attirer l’attention. Je t’appelle demain. Qu’on puisse en parler en toute tranquillité.
Ça promet.. Impatient d'avoir la suite | |
Elle ne tardera pas trop, vu qu'elle est déjà écrite. (Il y aura 15 chapitres en tout) | |
Très bon début vivement la suite. | |
très bonne histoire , vivement la suite !! | |
Excellent début, vivement la suite | |
Je me suis décidé à entamé le feuilleton clé USB, joyeusement ☺️ |
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