La fessée de Rolande (1892)

Catégories : Femmes fessées
il y a 1 an
  • Vous venez ?

À l’écart, là-bas, sous la futaie.

  • Ça approche. Dans trois semaines ce sera fait. Le jour de mes vingt ans, je deviendrai Madame Dorlandier.
  • Et ça ne t’effraie pas ?
  • Un peu, si ! Mais enfin Charles est d’une telle délicatesse à mon égard. Il se montre si empressé, si attentif au moindre de mes désirs que j’aurais mauvaise grâce à redouter sérieusement quoi que ce soit. Non, si je devais nourrir une quelconque appréhension, ce serait celle de le décevoir, moi, de ne pas être pour lui l’épouse attentionnée et dévouée qu’il est en droit d’espérer…

Un geai des bois s’est brusquement élancé d’un taillis dans un grand froissement d’ailes…

  • Vous avez vu ? À notre droite il est passé. D’après les Romains, c’est un bon présage. Excellent, même…
  • Vous vous rappelez les cours de latin au couvent avec sœur Cunégonde ? Ce qu’on pouvait se moquer d’elle quand on était sûres qu’elle ne nous voyait pas
  • Et sœur Pétronille au dortoir. Qui, à peine couchée, ronflait comme un sonneur.
  • Ça nous arrangeait bien. On pouvait discuter tant qu’on voulait.
  • Des nuits on y passait. À imaginer notre vie future. À nous demander comment seraient nos maris. À nous raconter encore et encore le jour de nos noces. J’étais supposée devoir convoler la dernière. Puisque j’étais la plus jeune. Vous me juriez que vous me diriez. Que vous me raconteriez. Vous ne pourrez pas : en fin de compte je suis la première. Faudrait pourtant bien que quelqu’un me dise. Parce que c’est vraiment la seule chose qui me fasse peur.
  • Ta mère ?
  • Oui, oh, ma mère. Elle a pris son air pincé et elle m’a juste dit qu’on ne devait pas parler de ces choses-là. Jamais. Que c’était immoral. Et qu’il devait me suffire d’aimer très fort mon mari. Je l’aime. Évidemment que je l’aime, mais…
  • Il y a ta sœur.
  • Elle, elle a fini par consentir à me marmonner, du bout des lèvres, que c’était jamais une partie de plaisir, mais qu’il fallait en passer par là si on voulait donner des enfants à son mari. Ça doit faire épouvantablement mal. Je suis sûre que ça fait mal. C’est pour ça que personne veut en parler à l’avance. Un jour j’ai entendu une fille raconter à une autre que ça devenait très gros la chose des hommes. Énorme même des fois. Alors forcément…
  • Mais non, ça fait pas si mal que ça !

Hein ? Mais qu’est-ce que je pouvais en savoir, moi ?

  • Tu peux pas savoir. T’es pas mariée.

J’étais pas mariée, non, mais…

  • Eh ben alors !

Eh ben alors je savais quand même que ça faisait pas forcément si mal que ça. Et que même quelquefois ça pouvait faire du bien.

  • Du bien ? Comment ça du bien ?
  • Du bien. C’est difficile à expliquer. Ça dépend comment il s’y prend, l’homme. S’il se dépêche ou pas…
  • Moi, j’aimerais mieux qu’il se dépêche. Plus vite il en aura fini. Parce que rien que l’idée de ce que c’est comment ça me dégoûte !
  • Tout le monde ça dégoûte. Il y a personne qui peut trouver ça agréable. Personne.
  • Mais si ! S’il caresse avec sa main. Avec ses doigts. À des endroits.
  • Non, mais ça va pas ? Moi, je veux surtout pas qu’il me touche là ! En plus ! Déjà que de le laisser me mettre sa chose…
  • C’est pas vrai n’importe comment ce qu’elle raconte. Elle invente.
  • Bon, mais nous on retourne là-bas. Tu viens pas ?
  • Non. Tout à l’heure je viendrai.

J’ai attendu qu’elles aient disparu. Elle était là, serrée bien au chaud contre mon sein. Sa lettre. Lue et relue. Sue par cœur. Je l’ai couverte de baisers. Rodolphe. Ce soir il serait là. Quand tout le monde serait couché je le rejoindrais, en secret, au fond de l’orangerie. Il y aurait ses yeux. Il y aurait ses baisers. Il y aurait tout lui. Nos étreintes. Nos sanglots de bonheur.

2-

  • Tu as menti. Elles l’ont toutes dit. Maman. Tante Alice. Tante Berthe. Toutes. Et que tu parlais sans savoir. Comme d’habitude.
  • Quant à grand-mère elle est furieuse contre toi. Elle a répété au moins vingt fois que si on l’avait écoutée on n’en serait pas là. Qu’on t’a laissé passer beaucoup trop de choses. Et qu’il serait temps d’y mettre bon ordre si on veut éviter que tu tournes mal. Très très mal.
  • On peut rien vous dire à vous. Faut toujours que vous alliez tout répéter.
  • Mais si on peut nous dire, si ! À condition de pas inventer n’importe quoi.
  • En attendant elles veulent que tu viennes ! Et tout de suite.

3-

  • Vous pouvez m’expliquer ce qui vous est passé par la tête, Rolande ? Aller imaginer de telles sottises ! Eh bien répondez !
  • Je ne sais pas, mère.
  • Vous ne savez pas. Eh bien moi, je sais. Ce sont ces livres dans lesquels vous passez le plus clair de votre temps qui vous montent à la tête. Mais nous allons y mettre bon ordre, croyez-moi ! Et pour commencer interdiction absolue de vous rendre seule dorénavant dans la bibliothèque de votre malheureux père.
  • Oh non ! S’il vous plaît, mère, non !
  • C’est une décision que votre précepteur, s’il m’avait écoutée, aurait dû prendre depuis longtemps. Une femme ne lit pas. Une femme n’a pas à lire. Il doit lui suffire de savoir tenir sa maison en ordre et assurer à son mari l’existence la plus harmonieuse et la plus paisible possible. Non ? Vous n’êtes pas de cet avis ?
  • Si ! Bien sûr que si, mais…
  • Mais ? Mais quoi ? Il n’y a pas de mais qui tienne. Vous filez un mauvais coton, Rolande, un très mauvais coton. Et il est plus que temps de vous ramener à de meilleures dispositions… Alors vous allez commencer par vous excuser auprès de Jeanne et de Léonie de leur avoir tenu des propos aussi inacceptables qu’éloignés de la vérité. Allez !
  • Pardon, Jeanne ! Pardon, Léonie !
  • Bien. Votre confesseur, quand vous lui aurez avoué votre faute, ne manquera pas de vous imposer la pénitence appropriée. Quant à moi, je manquerais à tous mes devoirs si je ne vous sanctionnais pas, de mon côté, comme vous le méritez. Vous savez comment, n’est-ce pas ?
  • Oui, mère…
  • Eh bien alors approchez !
  • Oh, mère !
  • Oui ?
  • Non, rien, mère. Rien.
  • À la bonne heure. Vous devenez raisonnable. On va vous le faire devenir davantage encore. Allons, troussez-vous !. Très bien. Approchez ! On va vous installer. Mais vous savez. Vous n’êtes pas une débutante. Là. Vous êtes prête ?
Une très belle histoire, merci ! Une suite?
Merci. Pas pour celle-ci, non! Si je faisais une suite à toutes mes histoires, il me faudrait mille vies.
Merci pour ce récit
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