Une fessée

Compte anonymisé
Cyrille, un camarade de fac, avait lancé l’idée comme ça, un soir, au café, sur le ton de la plaisanterie…
- Et si on partait en Allemagne à vélo cet été ?...
- Pourquoi en Allemagne ?... Et pourquoi à vélo ?
- Pourquoi pas en Allemagne ?... Et pourquoi pas à vélo ?...
- Même pas cap…
- A ta place je parierais pas…

De défi en défi le projet avait finalement réellement pris corps et, au matin du 1er Août, sacs au dos, bicyclettes révisées, tente et matériel de cuisine arrimés aux porte-bagages, on avait pris la route… Une semaine plus tard on passait la frontière…

Plus on approchait de Munich et plus la chaleur se faisait moite et étouffante…
Par une après-midi particulièrement éprouvante on s’était arrêtés, pour boire, à même nos gourdes, en bordure d’un jardin dont le propriétaire, un homme d’une cinquantaine d’années, s’est approché…
- Mes pauvres enfants, mais ça doit être de la pisse d’âne par cette chaleur ce que vous buvez là…
Il s’exprimait dans un français parfait… Avec tout juste une imperceptible pointe d’accent en arrière-fond…
- Entrez donc vous mettre à l’abri cinq minutes… Et boire quelque chose de frais…

Sa femme, une blonde plantureuse, s’est empressée de nous apporter deux grands verres de limonade avec des glaçons… Quant à lui, il nous a fait la conversation… Pendant la guerre il était en France… A Arcachon… On connaissait ?... Il y était retourné par la suite… En vacances… Ah, on habitait un beau pays… Il y avait pas à dire…
Oui… Bon… Mais on allait y aller, nous… Il nous restait à les remercier… C’était très gentil à eux, mais…
- Vous avez bien cinq minutes… Vous êtes en vacances…
A l’évidence il avait plaisir à discuter avec nous…

De fil en aiguille, de souvenir en souvenir, et de verre de limonade en verre de limonade, il a fini par nous proposer de planter notre tente dans son jardin pour la nuit – il nous a même aidés à le faire – et de dîner avec eux…

A peine était-on passés à table que le ton a brusquement monté entre eux… En allemand… Pour une raison incompréhensible pour nous… Il paraissait faire à sa femme des reproches dont elle se défendait mollement, avec un petit air contrit qui ressemblait à un aveu… Au terme d’un long et sévère monologue qu’elle a écouté les yeux baissés il lui a indiqué, d’un geste péremptoire du bras, une porte qui s’ouvrait dans le mur à côté d’un grand buffet de bois sombre…
- Oh, nein… Nein !...
Mais elle a obtempéré… Il l’a rejointe… A laissé la porte entrebaîllée derrière lui… Quelques chuchotements… Quelques propos à mi-voix… Et puis un bruit de claques… Sonores… Vigoureuses… Une fessée… Manifestement une fessée… On a échangé, Cyrille et moi, un regard stupéfait… Une fessée… Qui a pris de plus en plus d’ampleur… Qui s’est accompagnée de gémissements, de plaintes, de cris, de supplications… Qui a interminablement duré…

Ca s’est arrêté d’un coup… Il est revenu le premier, a repris la conversation avec nous comme si de rien n’était… Elle, elle a fait sa réapparition quelques instants plus tard, s’est rassise à table sans un mot, en reniflant, les yeux rougis…

Quand on a enfin regagné notre tente il faisait nuit depuis longtemps… On l’avait installée juste sous leur fenêtre… Leurs rugissements de plaisir nous ont tenus longtemps éveillés…

Avant qu’ils aient quitté leur chambre, le lendemain, on avait levé le camp…



Aujourd’hui, bien sûr, le sens de cette « aventure » m’apparaît clairement : ils étaient très vraisemblablement de mèche et avaient pris leur pied à nous avoir comme spectateurs ( auditeurs plutôt ) de leurs jeux… Mais à l’époque c’était pour moi beaucoup moins évident et j’avais plutôt le sentiment d’avoir assisté à une vraie punition… Ce qui me troublait profondément… J’avais déjà été, à plusieurs reprises, sous différentes formes, en proximité de fessées, mais jamais je ne serais allé imaginer qu’on puisse en administrer à une femme de son âge… Et, qui plus est, en présence ( même indirecte ) de gamins de vingt ans… En compagnie desquels il lui avait encore fallu rester plusieurs heures « après »… Je ne pouvais pas repenser à « tout ça » sans me sentir profondément bouleversé…

Je n’ai pas effectivement VU cette fessée… Elle n’en a eu en réalité que plus de force… Comme si devoir visuellement l’imaginer, à l’aide de ce que j’entendais, l’avait déployée… Et aujourd’hui encore je me trouve beaucoup plus en phase avec une fessée subtilement suggérée qu’avec une fessée explicitement assénée… Je suis beaucoup plus sensible au contexte qu’à la scène elle-même… Mais c’est une autre histoire…

Bon, mais j’ai peut-être été un peu long, là… Désolé…
il y a 13 ans

Bonjour mathurin
Pourquoi long ? Mais non, l'explication méritait quelques détails pour mettre les lecteurs dans l'ambiance.
Merci
TSM
il y a 13 ans

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