La clef USB (4)

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Ce récit est la suite de : La clef USB (3)
il y a 1 an

Elle s’y attendait. Elle s’y attendait tout le temps. Tous les jours. À toute heure. À tout moment. Elle n’était plus qu’attente. Un bloc d’attente et d’appréhension. Elle s’y attendait, mais le coup de sonnette l’a malgré tout fait sursauter. Elle est allée lui ouvrir, rongée d’inquiétude. Ça allait être quoi aujourd’hui ? Il allait vouloir quoi ? Inventer quoi ? Il était tout sourire.

  • Tu m’offres un café ?

Qu’il a bu, à toutes petites gorgées, sur le canapé du séjour. En parlant cinéma. Fellini, oui, bien sûr. C’était leur référence à tous les deux.

  • Mais il ne faut pas non plus se cantonner à lui. Il y en a d’autres. Tellement d’autres.

Ça, elle était bien d’accord. Et ce fut Bergman. Et Antonioni. Et Almodovar. Et Rohmer. Ah, Rohmer ! Tout en finesse. Tout en subtilité. Il ne s’en lassait pas de Rohmer. Elle non plus.

  • Ah, non alors !

Le temps passait. Et c’était comme avant. Comme le jour de Noël. Comme ça aurait dû toujours être si elle n’avait pas si stupidement…

C’est Kevin qui a rompu le charme. Le coup de téléphone de Kevin. Qui cherchait un dossier. Qui se demandait si, par hasard, il ne l’avait pas laissé dans son bureau.

  • Il y est, oui.

Et elle a raccroché.

  • C’était ton mari, hein ?
  • C’était lui.
  • Tu sais que je l’ai vu ?

Elle s’est décomposée.

  • Tu l’as vu ! Ah, oui ? Comment ça, tu l’as vu ? Où ça ? Quand ça ?
  • Hier. Hier soir. Oh, mais fais pas cette tête-là ! Je n’ai rien dit. Rien du tout. On a un accord tous les deux. Et je le respecterai. À condition que, de ton côté, tu le respectes, toi aussi. Ça va de soi. Oui, je l’ai vu. On s’est rencontrés tout à fait par hasard, avenue Mermoz. Du coup on a bu un coup ensemble. Et discuté un bon petit moment. C’est un homme absolument charmant. Et j’avoue que j’ai du mal à te comprendre. Parce que tu as un époux en or. Qui se mettrait en quatre pour toi. Qui gagne très confortablement sa vie. Et la tienne. Grâce auquel tu peux disposer de tout ton temps. Et tu en fais quoi de tout ce temps qu’il t’offre si généreusement ? Tu cours te faire sauter ailleurs.
  • C’est pas si simple !
  • Ah, non ? Qu’est-ce que tu vas me raconter alors ? Que oui, bien sûr, t’es pas trop à plaindre. Même si, parfois, il a tendance à s’emballer. À monter sur ses grands chevaux. Bon, mais ça ! Tu n’as pas grand-chose à lui reprocher, non. Sauf qu’au lit c’est loin d’être le top. Que tu t’éclates pas avec. Ou plus. Et qu’à ton âge tu as des désirs. Des besoins. Que c’est parfaitement légitime. Ben, bien sûr ! Une femme, quand elle veut faire son mari cocu, elle a toujours d’excellentes raisons. Et donc t’as trouvé d’autres bras dans lesquels te pâmer. Jeunes. Tant qu’à faire… C’est plein de sève à cet âge-là. Plein de vigueur. Ça remet le couvert autant de fois que nécessaire. En sorte que t’y trouves pleinement ton compte.

Elle a voulu l’interrompre.

  • Ce n’est pas…
  • Mais si, c’est… Bien sûr que si, c’est ! Une histoire de cul. Et seulement une histoire de cul. Tu ne vas pas tout de même pas te donner le ridicule, à ton âge, d’aller imaginer que c’est autre chose. Si ?

Elle n’a pas répondu. Autre chose ? Non. Évidemment, non. Elle n’était pas idiote. Même si elle éprouvait une certaine tendresse pour Damien et parfois, par bouffées, quelques élans sentimentaux, ce n’était pas pour autant qu’elle nourrissait des illusions sur ce qu’elle éprouvait réellement à son égard. Il a enfoncé le clou.

  • Et une histoire de cul intense. Parce que je t’ai pas encore vue beaucoup à l’œuvre, mais quand il s’agit de prendre ton pied, t’y mets à l’évidence toute ton énergie. Pour autant, du moins, que j’aie pu en juger. Mais enfin j’imagine que les autres vidéos sont, elles aussi, du même tonneau que les deux que j’ai eu l’occasion de voir. Non ? Je me trompe ?

Que dire ? Il ne se trompait pas, non. Et même… Elle s’est tue. Et il a poursuivi.

  • Je suppose qu’il doit y avoir là de véritables petits morceaux d’anthologie là-dedans.

Il a fait claquer sa langue contre son palais.

  • Dont je me fais, par avance, une véritable fête. Mais mets-moi un peu sur la voie, toi, au lieu de rester là à me regarder, béate, sans desserrer les dents. Dis-moi ! Il y a quoi sur ces vidéos ? Est-ce que, à un moment ou à un autre, il te prend en levrette ? Oui, hein, rien qu’à ton air ! Ah, ça doit être quelque chose, ça ! C’est comme… tu le suces, j’imagine ! Et tu dois faire ça avec une délectation ! Rien que d’y penser… Bon, mais vaut mieux que je m’en aille, moi, tiens, parce que sinon…

Il s’est levé.

  • Tu me la donnes ?

Je l’ai regardé, interloquée.

  • Je te donne quoi ?
  • Ben, la vidéo toute neuve que tu devais me faire avec ce jeune homme. T’as pas oublié, j’espère ! Elle n’avait pas oublié, non. Non.

2-

Il l’a laissée une semaine sans nouvelles. Pas le moindre coup de téléphone. Pas le moindre signe de vie. Rien. Une semaine pendant laquelle elle n’a pas cessé de se poser mille et mille questions. Ce qui lui importait surtout, c’était de savoir s’il avait revu Kevin. S’ils s’étaient parlé. S’ils passaient du temps ensemble tous les deux. Parce que si c’était le cas, ils risquaient de finir par s’aventurer sur le chemin des confidences. Celui de tous les dangers. Certes, il avait promis, mais deux hommes quand ils sont lancés… Surtout quand il s’agit des femmes. Et surtout si c’est autour d’un verre.

Elle interrogeait Kevin, quand il rentrait, l’air faussement indifférente.

  • T’as rencontré personne ?

Il haussait les épaules.

  • Non. Qui t’aurais voulu que je rencontre ?
  • Je sais pas, moi ! Quelqu’un qu’on connaît.
  • Ben, non ! Non.

Elle n’était pas rassurée pour autant. Ça pouvait avoir lieu le lendemain. Ou le surlendemain. N’importe quand.

À Antoine aussi, elle n’a pas pu s’empêcher de poser la question, presque tout de suite, quand il s’est enfin à nouveau manifesté.

  • T’as pas revu mon mari ?
  • Non, mais quand bien même je l’aurais revu, ce n’est pas pour autant que j’aurais vendu la mèche. Combien de fois faudra-t-il que je te répète que je saurai tenir ma langue ? À condition, bien évidemment, que, de ton côté, tu tiennes tes engagements. Bon, mais allez ! Je suis pas venu pour parler de ça. Tu sais ce qui me ferait plaisir, là, même que depuis deux jours j’arrête pas d’y penser, c’est de te regarder en train de tailler une petite pipe à ton amant.
  • Ce n’est pas…
  • Ton amant ? Ah, non ? T’appelles ça comment, alors ? Bon, mais allez ! Au lieu de jouer sur les mots, va donc plutôt nous mettre une vidéo où on te voit le faire.

Il a voulu en connaître le numéro.

  • C’est la huit.

Et lui a demandé de venir la regarder assise à ses côtés.

  • On en profitera mieux…

Sur l’écran, elle s’est agenouillée devant Damien. Nue. Elle l’a lissé à travers son pantalon. A épousé, de ses doigts, la forme de sa queue. Longuement.

  • Eh, mais c’est que tu fais ça avec une sensualité ! Un vrai régal.

Elle a ouvert son pantalon. La lui encore modelée à travers le boxer.

  • Prends ton temps ! Oui, prends bien ton temps ! Ce n’en sera que meilleur.

Elle la lui a enfin sortie.

  • C’est qu’il y a un sacré beau morceau, là, dis donc ! Normal que t’aies craqué.

Elle l’a décapuchonnée. Voluptueusement contemplée. Un premier baiser. Tout au bout. Un deuxième. Un coup de langue. Un autre.

  • Tu sais y faire, il y a pas à dire. Tu sais vraiment y faire.

Elle l’a délicatement pris dans sa bouche. Avant de l’engloutir d’un coup. Tout en lui malaxant ardemment les boules.

  • C’est bon, hein ? Oh, oui, c’est bon ! J’adore ces petits grognements étouffés que tu pousses. Ah, ça y est ! Il vient, on dirait. Il gicle.

Elle l’a libéré.

  • Et t’as avalé. T’as tout avalé.

L’écran est devenu tout noir. Elle a continué à le fixer malgré tout. Ne pas se tourner vers lui. Ne pas le regarder. Le silence. Épais. Compact. Qui s’est indéfiniment prolongé. Qu’il a fini par rompre.

  • T’as aimé te revoir en train de lui faire ?

Elle s’est empressée de nier.

  • Oh, non ! Non.

Il a éclaté de rire.

  • Oh, si ! Si ! Bien sûr que si ! Et d’autant plus que c’était devant moi.

Il a marqué une courte pause.

  • D’ailleurs… D’ailleurs, tiens, tu sais quoi ? Ce serait le moment ou jamais…

Le moment ou jamais ? Pour ? Mais elle ne lui a pas posé la question. Il a tout de même donné la réponse.

  • Pour qu’on se rende tous les deux dans ta salle de bains. Que tu y prennes une douche. Et que tu me montres, comme convenu, comment tu sais bien t’amuser avec ce que la nature t’a si gentiment installé entre les jambes.

  • Oh, non, Antoine ! Non ! Pas maintenant !

Il a ri.

  • Pas maintenant ? On sait tous les deux pourquoi. C’est pourtant maintenant que ce serait le mieux. Mais bon, soit ! Je suis bon prince. Reportons ça à la prochaine fois. Mais tu perds rien pour attendre !
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